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Actualités et Blog

Les cycles des évaluations de la Science des ressources naturelles

Par Michéal MacMonagail, Science des ressources, le 30 septembre 2020

L’auteur, Michéal MacMonagail, est le specialiste des ressources naturelles d’Arramara Teo.

Je me suis souvenu récemment d’une bonne semaine d’échantillonnage d’algues que nous avons eue en août 2019 et j’ai pensé vous relater cette expérience. Nous devions inspecter plusieurs lits d’ascophylle noueuse (Ascophyllum nodosum) le long des côtes de Connemara et de Mayo. Nous essayons toujours de visiter autant de sites que possible dans l’Ouest de l’Irlande au cours d’une saison, qui s’étend de mai à octobre. C’est un défi et cela peut prendre un certain temps, mais c’est souvent un travail très agréable et gratifiant.

 

Dimanche

La veille de notre départ en excursion, je rencontre Gary Dundass (à droite), notre technicien de la Science des ressources, pour planifier la semaine à venir. Comme nous en avons l’habitude, nous vérifions nos cartes et emballons les outils dont nous aurons besoin pour le travail : appareils de mesure des algues, rubans à mesurer, blocs-notes, balances et nos fidèles couteaux, achetés au prix d’un euro pour cinq unités. Demain matin, nous irons chercher le carburant pour le bateau. Nous avions prévu de passer la journée à échantillonner l’ascophylle noueuse dans la baie de Bertraghboy, sur la côte ouest de l’Irlande, dans le magnifique comté de Connemara. On s’est dit que si la météo collaborait, ce pourrait être une bonne semaine.

C’est le mois d’août, on a donc droit à de longues journées de clarté, ce qui nous donne beaucoup de temps à passer sur le littoral pour accomplir nos tâches. « La marée basse est à 10 h 30 », me dit Gary. On a donc une fenêtre de sept heures et demie à treize heures et demie pour nous mettre à l’eau et visiter nos lieux d’échantillonnage. Ces beaux matins d’été lumineux nous permettent de commencer tôt, mais c’est toujours la marée qui décide. Gary rentre chez lui et nous nous reposons pour être en forme pour le lendemain.

 

Lundi

Nous commençons la semaine en vérifiant quelques lits d’ascophylle noueuse productifs à Roundstone (Cloch na Rón), au nord de la baie. Nous faisons ce travail d’inspection et de surveillance des lits de cette algue depuis plus de cinq ans maintenant; nous connaissons donc intimement l’endroit où se trouvent les lieux les plus productifs. Alors lundi matin, je rencontre Gary sur la jetée, peu avant 7 h, et on commence les préparatifs. Nous mettons le bateau à l’eau, enfilons nos cuissardes, rassemblons notre matériel d’échantillonnage et nous partons. Nous passons les trente premières minutes dans l’eau, en nous dirigeant tranquillement vers le premier de six lieux d’échantillonnage.

Nous arrivons sur place. Gary établit un transect pendant que je commence à entrer les données GPS dans nos blocs-notes à l’épreuve des intempéries. Nous nous frayons un chemin à travers les grandes algues rigides, prenons quelques données biométriques (poids, longueur, présence d’épiphytes, etc.) et notons nos résultats. Il nous faut en tout environ quarante minutes pour compléter notre premier transect. Pas mal, mais c’est clairement le premier jour d’une longue semaine. « Au prochain », dit Gary, en revenant vers moi. Nous ramassons notre matériel et allons au lieu de prélèvement suivant, situé plus loin dans la baie. Le reste de la journée se déroule ainsi, à rassembler des données à mesure que le temps se réchauffe.

Nous travaillons jusqu’à ce que l’eau commence à passer par‑dessus nos chevilles. C’est le temps de partir. Un peu fatigués, nous arrivons à la jetée et sortons le bateau de l’eau. La journée est terminée.

 

Mardi et mercredi

Au cours des deux prochains jours, nous vérifions quelques lits dans le port de Killary, situé exactement à la frontière entre les comtés de Mayo et de Galway. Un endroit magnifique où nous aimons toujours retourner. Le mardi, nous décidons de nous concentrer sur la rive sud, et le mercredi sera consacré à la rive nord.

Les journées commencent comme plein d’autres. Nous poursuivons tranquillement notre travail, mesurant les algues et notant nos découvertes. Alors que nous parcourons la baie (un fjord, en fait), nous passons à côté de gros bateaux de plaisance, de petits bateaux de pêche et de traditionnels Currachs, et nous nous dirigeons vers l’extrémité de la baie, à la pointe de Mayo. Dans cette baie, nous trouvons beaucoup de fucus vésiculeux (Fucus vesiculosus) et quelques algues dentées (Fucus serratus) qui poussent entre les frondes d’ascophylle noueuse. Le fucus se distingue facilement de l’asco par sa couleur et sa morphologie et on le trouve très souvent dans les lits d’asco ou à proximité. Nous notons le poids des frondes de fucus et les espèces particulières et poursuivons notre travail. Nous débattons à savoir si ce sont des phoques communs ou des phoques gris que nous voyons se prélasser au soleil sur une petite île. En ce temps-ci de l’année, les phoques gardent leurs petits près d’eux. Il vaut mieux ne pas trop s’approcher et risquer de les déranger. Nous les observons de loin et terminons notre travail pour la journée.

Nous trouvons de nombreux lits d’ascophylle noueuse denses aux longues frondes. Cette algue vieillit bien et forme une vessie gazeuse ou vésicule chaque année. Ce n’est qu’une estimation approximative, car l’algue perd ses frondes. Parfois, les crampons (structure qui s’accroche à la paroi rocheuse) de deux plantes poussant l’une à côté de l’autre fusionnent pour former un crampon commun. C’est vraiment extraordinaire. Nous aimons être témoins de l’adaptabilité du milieu marin. Malgré les attractions inédites, nous poursuivons notre travail et terminons le sixième et dernier transect de la journée avant de nous arrêter.

 

Jeudi

Ce matin, nous sommes de nouveau sur le littoral à Mayo. Aujourd’hui, nous travaillerons à l’île d’Achill, près de la maison de la reine pirate Gráinne Ní Mháille (Grace O’Malley). Elle était la reine d’Umaill au xvie siècle. Objet de moult récits folkloriques, elle fut immortalisée dans des poèmes, des chants et des documentaires. Un centre d’interprétation porte même son nom.

Nous passons nos premiers points d’échantillonnage sans trop de problème. Nous arrivons au dernier point; j’accoste sur la rive alors que Gary saute et fixe notre embarcation à des rochers avec un nœud de perche. Gary peut faire cinquante nœuds différents même les yeux fermés; il amarre donc le bateau en deux minutes. Au cours de cette sortie, nous voyons beaucoup d’oiseaux et parlons à quelques habitants du coin, mais presque toute la journée est consacrée à accomplir nos tâches, la tête baissée. La journée d’échantillonnage n’est qu’à moitié terminée quand la pluie s’abat sur nous. Nous sommes contraints de rentrer. Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons au Pub O’Malley pour y manger des moules à la vapeur et du pain brun. En dégustant ce délicieux repas, je me demande si les propriétaires sont des descendants de Gráinne Ní Mháille. Puis nous planifions la journée de demain : nous allons visiter notre site expérimental. Ce soir-là, je m’endors en espérant me réveiller sous un beau ciel bleu.

 

Vendredi

La journée commence, le temps est gris et misérable. Aujourd’hui, nous testons un drone équipé d’une nouvelle caméra qui, nous l’espérons, nous aidera dans notre travail. Je suis toujours un peu nerveux avant un relevé par drone, surtout quand le temps est incertain – comme c’est généralement le cas dans l’Ouest de l’Irlande. Nous mettons le bateau à l’eau et nous partons. Nous serons dans l’île de Crow, au milieu de la baie Cuan Cill Chiaran (Kilkerrin), pour expérimenter avec le drone.

Nous allons utiliser les services de Western Aerial Surveys, une société locale de surveillance aérienne, pour nous aider à cartographier l’île. Nous avons testé deux caméras : une caméra RGB à haute résolution et une caméra multispectrale (Parrot). Nous prévoyons utiliser cette technologie pour notre travail d’échantillonnage. Nous avons beaucoup de côtes à inspecter entre Galway et Mayo, et un drone pourrait peut-être nous permettre de visionner beaucoup plus de terrain, plus rapidement. Nous testons les capacités de la caméra, nous essayons de déterminer les vitesses et les hauteurs de vol, ainsi que tous les autres éléments qui doivent être testés. Tout à coup, le soleil perce les nuages et le vent tombe. La vitesse du vent est de 11 km/h selon l’application Drone Deploy et nous sommes prêts à partir! Le drone vole pendant environ 45 minutes. Il faut changer la pile à mi‑chemin. Le nouvel appareil est plus lourd que la caméra RGB. « Il gruge la charge », dit Gary. Bon à savoir.

 

Samedi

C’est notre dernier jour d’échantillonnage de la semaine. La marée est à 15 h aujourd’hui, dans le comté de Mayo, « une heure plus tard qu’à Galway », me dit Gary.

Le matin est particulièrement froid pour ce temps-ci de l’année. Aujourd’hui, nous prélevons des échantillons d’ascophylle noueuse dans la baie de Clifden, à Galway. La route est longue pour se rendre à l’embarcadère, et nos niveaux d’énergie sont plutôt bas. Nous mettons le bateau à l’eau dans la fraîcheur matinale et nous nous dirigeons lentement vers notre premier site d’échantillonnage, dans le silence. Il pleut sans cesse, pas assez pour annuler la journée, mais assez pour se tremper jusqu’aux os, même avant l’heure du lunch.

J’admets que nous n’étions pas en grande forme. Je me souviens que nous étions pleins d’énergie au début de la saison, en mai. Maintenant, fin août après presque trois mois de prélèvements, nous avons besoin de repos. Mais nous poursuivons notre travail et mesurons les algues dans le sud de la baie.

Nous arrivons à un de nos derniers lieux d’échantillonnage et prenons nos mesures. Mais de retour au bateau, il s’est échoué sur le rivage! Nous essayons autant que possible de le déprendre, mais la marée n’est pas encore assez haute. Une heure ou deux encore à attendre, alors nous décidons d’explorer les alentours. Nous profitons de ce temps libre : nous nous promenons entre les roches, à la recherche de pétoncles. Quelques crabes verts font leur apparition, ainsi qu’un héron et un cormoran. On voit souvent ces grands oiseaux de mer sur le rivage, et ils sont toujours un baume pour l’âme.

Nous tombons sur un monticule de coquilles d’huîtres écaillées. Il y en a des dizaines entremêlées de tranches de citron jetées. Quelqu’un s’est payé un festin.

La journée tire à sa fin. Il est déjà 19 h quand nous touchons la terre ferme, et que nous terminons le nettoyage et l’emballage du matériel.

De retour à la maison, je passe un peu de temps à saisir les données de la semaine dans un tableur. Le lundi, nous repartons. Il me reste à planifier ma journée de congé de demain. Dormir sans doute.

Pour en savoir plus sur le travail d’Arramara en science des ressources, visitez arramara.ie