Vous êtes-vous déjà demandé d’où provenaient les algues comestibles avant qu’elles ne se retrouvent dans votre assiette? Vous imaginez probablement des forêts de varechs se balançant au gré des vagues ou des colonies d’algues d’un rouge foncé se déployant sur les rochers côtiers. Vous avez peut-être même une idée de l’océan dans lequel elles ont été cultivées, dans les eaux limpides de l’Atlantique ou du Pacifique? Cependant, si vous avez déjà goûté à notre algue tricolore, vous serez peut-être surpris d’apprendre que celle-ci a été cultivée entièrement sur terre, en Nouvelle-Écosse.
Les frondes multicolores qui se retrouvent dans chaque emballage de notre algue comestible Hana Tsunomata® ont vu le jour dans notre installation de culture terrestre d’algues marines à Charlesville, en Nouvelle-Écosse. Notre installation de culture d’algues en milieu terrestre n’est pas née du jour au lendemain. Au contraire, le développement de nos produits alimentaires à base d’algues a nécessité des années de résilience, d’exploration scientifique, de travail acharné et de synchronisation parfaite.
Voici l’histoire de la création d’un produit alimentaire que les clients de toute l’Asie recherchent maintenant pour ses couleurs étonnantes, sa qualité fiable, sa texture satisfaisante et son croquant savoureux. Voici comment Algues Acadiennes Limitée est devenue une entreprise si exceptionnelle!
La capacité de cultiver des algues marines sur la terre ferme est le résultat de connaissances accumulées pendant des centaines d’années. Bien que des générations de communautés côtières aient cueilli des algues sauvages pour se nourrir, la culture des algues n’a pas commencé avant les années 1670, lorsque des pionniers de la baie de Tokyo ont soigneusement placé des branches d’arbres et des bambous dans les eaux côtières peu profondes afin de fournir un substrat aux spores d’algues pour qu’elles se fixent et germent. Ces agriculteurs astucieux ne comprenaient pas encore la science sous-jacente, mais ils en savaient suffisamment pour augmenter considérablement leurs récoltes de ces plantes nutritives.
Avec le temps, les agriculteurs japonais ont commencé à utiliser des filets horizontaux au lieu de branches d’arbres et de bambous en vue d’augmenter la surface disponible pour la fixation des spores et de faciliter la récolte. Ils ne connaissaient cependant pas encore bien les cycles de vie de ces algues comestibles, ce qui entraînait des rendements faibles et imprévisibles. De plus, comme les exploitations étaient situées dans les eaux côtières, les algues étaient exposées à de multiples facteurs susceptibles d’entraîner une production et une qualité médiocres, comme les tempêtes, la prolifération d’autres algues, l’herbivorie et les taux élevés d’inclusion de matières étrangères.
Ce n’est qu’en 1949, lorsque Mme Kathleen Mary Drew-Baker, une célèbre botaniste anglaise, a étudié les cycles de reproduction de Porphyra umbilicalis, que les scientifiques et les agriculteurs ont pu percer les secrets de la culture des algues, et véritablement domestiquer et commercialiser leur production. En comprenant le cycle de vie complet de Porphyra, Mme Drew-Baker a identifié une phase microscopique du cycle de vie (le stade conchocelis) que l’on croyait auparavant être une espèce complètement différente. Une fois que le stade du conchocelis a été identifié comme l’organisme libérant les spores qui se développent ensuite dans le substrat créé par les agriculteurs, on a pu cultiver ce stade et le pousser à libérer des quantités massives de spores sur demande. Ces travaux ont permis aux agriculteurs d’augmenter leurs rendements de façon spectaculaire et ont rendu l’agriculture marine beaucoup plus prévisible.
Dans les années 1970, Marine Colloids, l’ancêtre d’Algues Acadiennes Limitée, s’est appuyé sur les connaissances scientifiques accumulées sur les algues pour créer un site de culture en bassin d’un million de dollars à Charlesville afin de produire du Chondrus crispus pour l’extraction de la carraghénine. Ils cultivaient ainsi une algue contenant de la carraghénine qui est utilisée comme gomme alimentaire, mais pas comme aliment complet. La carraghénine se retrouve dans des produits tels que le dentifrice, les confitures, le lait au chocolat, les vinaigrettes, la crème glacée, la bière, les suppléments de santé et les produits cosmétiques.
Lorsque notre fondateur Louis Deveau — qui avait travaillé pour Marine Colloids jusqu’à son acquisition par FMC Corporation — a proposé d’acheter leurs activités canadiennes liées aux algues et de créer sa propre entreprise, il savait que la culture des algues en milieu terrestre avait un avenir en Nouvelle‑Écosse. Comme toutes les percées, les nouvelles opportunités ont entraîné de nouveaux défis à relever. Heureusement, notre équipe était à la hauteur!
Pour cultiver des algues marines dans des bassins terrestres, il ne suffit pas de mettre des algues dans un bassin et de les regarder pousser. Toutes les algues ont besoin de lumière, de nutriments et d’eau de mer à la bonne température. Lorsque l’on cultive des algues sur terre, tous ces facteurs peuvent être manipulés dans une certaine mesure, de sorte que l’environnement de l’aquarium sur terre diffère considérablement de l’environnement naturel. Réalisée correctement, la culture sur terre peut donner lieu à une productivité très élevée, avec des algues qui ne sont pas soumises aux stress que l’on trouve dans la nature, comme la concurrence avec d’autres algues, la destruction par les herbivores ou les faibles charges en nutriments.
Le docteur Jeff Hafting, scientifique principal des algues cultivées chez Algues Acadiennes Limitée, fait partie d’une longue lignée d’innovateurs qui ont exploré les moyens de donner à Chondrus crispus (la mousse d’Irlande) et à d’autres cultivars d’algues ce dont ils ont besoin pour une productivité élevée.
« L’approche des Algues Acadiennes consiste à laisser la biologie et l’algue vous dire si elle est heureuse, de déclarer le docteur Hafting. Il faut adapter les systèmes aux exigences de l’algue, et non l’inverse. Nous cherchons également à différencier nos produits de ceux des concurrents, et notre système nous permet de cultiver des variantes naturelles d’algues qui ont un aspect complètement différent des types sauvages. » Avec les autres membres de l’équipe de Charlesville, le docteur Hafting perpétue la recherche scientifique pure et la tradition d’inventivité dont a fait preuve le docteur James S. Craigie, chercheur renommé dans le domaine des algues. La participation du docteur Jim Craigie à ASL a commencé dès la fondation de l’entreprise en 1981 et a eu un impact sur toutes les facettes de la croissance technologique de la société axée sur la science. Très peu de scientifiques ont apporté une contribution aussi importante à l’avancement de la science des algues et encore moins nombreux sont ceux qui ont associé cette science à des programmes appliqués qui ont
Dès le début, l’équipe de Charlesville a accepté qu’il y avait toujours quelque chose de nouveau à apprendre dans la culture des algues. Par exemple, l’infrastructure des bassins a évolué au fil du temps. Au début, Charlesville disposait de bassins allongés de 2 000 mètres carrés équipés de roues à aubes. Ces cuves étaient difficiles à gérer et, lorsque le vent soufflait, la plupart des algues se retrouvaient sur un côté de la cuve, laissant l’autre côté vide. Cela augmentait la pénétration de la lumière sur le côté vide, permettant à des algues autres que des Chondrus de se développer sur les surfaces du réservoir. En subdivisant les bassins en unités plus petites et en recourant à l’aération plutôt qu’aux roues à aubes, nous avons pu éviter à la fois le regroupement qui réduit la productivité et cause des dommages aux cultures tout en réduisant la croissance des algues autres que Chondrus dans les bassins. Tous ces essais, erreurs et innovations ont porté leurs fruits et, en 1987, Charlesville avait triplé sa production de Chondrus crispus pour le marché mondial des carraghénines. Cependant, juste à ce moment-là, un concurrent à bas prix est apparu : les producteurs d’algues rouges des Philippines.
« Le plus ironique, c’est que Louis Deveau est en partie responsable de l’essor de l’industrie de la carraghénine aux Philippines, précise le docteur Hafting. Dans les années 1960 et 1970, Marine Colloids a fait appel à lui pour améliorer la culture d’une algue rouge tropicale et stabiliser l’approvisionnement en provenance des Philippines. Son travail a été une réussite pour les communautés locales qu’il a aidées à devenir autonomes et durables, mais il a également préparé le terrain pour que ces algues cultivées à moindre coût finissent, dix ans plus tard, par concurrencer notre culture terrestre pour la carraghénine. »
L’innovation qui a commencé avec les premières réalisations scientifiques du docteur Craigie se poursuit aujourd’hui. Le docteur Hafting dirige une équipe de recherche diversifiée qui développe des produits à base d’algues à partir d’espèces nouvellement domestiquées, qui optimise la production d’algues et intègre de nouvelles technologies. « L’un des plus grands défis de la culture des algues dans de grands réservoirs extérieurs était que d’autres mauvaises herbes pouvaient y pousser, tout comme dans un jardin terrestre », explique le docteur Hafting. Un effort de recherche intense, d’une durée d’un peu moins de deux ans, a été déployé pour optimiser la charge en nutriments dans les bassins, de manière que seuls les nutriments dont Chondrus a besoin soient ajoutés, sans excès que d’autres espèces d’algues pourraient utiliser pour se développer. De plus, plusieurs méthodes d’assainissement de l’eau ont été mises au point, et le Chondrus est maintenant cultivé dans une culture complètement dépourvue d’épiphytes, une première dans la culture des algues marines! Cela permet également de faire hiverner le Chondrus pur et de le faire pousser au printemps, ce qui améliore considérablement la production saisonnière. Une autre réalisation récente de la R-D consiste à surveiller les bassins de culture d’algues du haut des airs à l’aide d’une caméra dans le proche infrarouge montée sur un drone. On peut ainsi déceler les schémas de mauvaise répartition dans les bassins. Il en résulte une productivité très élevée, car les conditions peuvent être surveillées et corrigées rapidement.
Aux prises avec le marché des carraghénines à bas prix, Louis Deveau a découvert un autre débouché. Alors qu’il assistait au 13e symposium international sur les algues à Vancouver, Louis Deveau a rencontré Junichi Sato, directeur du développement des algues chez Riken Food Co. Ce dernier était à la recherche d’un produit à base d’algues de première qualité. M. Sato a demandé à Louis si nous pouvions cultiver du Chondrus de qualité alimentaire à Charlesville. Confiant dans l’ingéniosité de son personnel, Louis a répondu oui!
Bien que nous ayons fini par créer nos produits de prédilection Hana Tsunomata® , l’ensemble du processus a nécessité la combinaison de la science pure, du travail acharné et d’un peu de chance.
« Dans la nature, le Chondrus crispus est aussi dur que des clous. Personne ne le mange, car il vous casserait les dents si vous essayiez de le mâcher, fait remarquer le docteur Hafting. Le Chondrus que nous cultivons aujourd’hui pour Hana Tsunomata® est une petite merveille. Il pousse très rapidement, a bon goût et une excellente texture avec un peu de croquant. C’est ce genre de choses que l’on découvre par l’observation et l’expérimentation. »
L’ensemble du processus a exigé de l’équipe de Charlesville qu’elle fasse appel à sa créativité et accepte l’imprévisibilité de la nature. Le docteur James Craigie a encouragé l’équipe à s’amuser avec la mousse d’Irlande, en adoptant « une démarche scientifique pure fondée sur la curiosité et l’expérimentation » pour percer les secrets du Chondrus crispus. Sous la direction du docteur Craigie, nous avons travaillé avec des scientifiques du Conseil national de recherches du Canada (CNRC), et l’Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA) nous a aidés financièrement à accélérer nos recherches sur le Chondrus de qualité alimentaire. Nous avons conçu chaque pièce d’équipement à partir de zéro. Comme il n’y avait pas de modèle à suivre, nous avons mis au point des méthodes novatrices d’extraction et de séchage qui n’existaient nulle part ailleurs dans le monde. La qualité s’est améliorée, mais nous nous heurtions toujours à des difficultés d’ordre esthétique, si importantes pour le marché alimentaire asiatique.
Les clients du marché japonais voulaient une algue rouge vif qui soit non seulement bonne au goût mais aussi belle, uniforme et limpide. Chaque fronde en éventail devait avoir le bon nombre de branches et une queue uniforme. Les algues ne poussent pas comme ça dans la nature. Heureusement, des gens comme notre collègue Allan Archibald, aidé des anciens collègues Vel Pillay et Steve Spinney, ont eu une idée brillante pour atteindre cet objectif. Plutôt que de cultiver continuellement le même stock d’algues provenant de réservoirs extérieurs année après année, nous avons recommencé avec un nouveau bouturage chaque année, qui a donné une culture algale monospécifique, permettant d’obtenir des récoltes entières d’algues uniformes et propres!
Aujourd’hui, nous avons perfectionné le système. Notre récolte annuelle commence par un seul morceau d’algue de la taille d’un timbre-poste dans un laboratoire de Cornwallis, en Nouvelle-Écosse. Ensuite, nous cultivons l’algue, la faisant passer par 40 multiplications de sa masse pour atteindre plus d’un million de kilogrammes à la fin de la saison de croissance. Au fur et à mesure que la récolte de chaque année progresse dans nos installations de culture, nous transférons les plantes dans des conteneurs intérieurs de plus en plus grands (l’un d’entre eux est si vaste qu’il doit être recouvert d’une serre entière). Les algues demeurent à l’intérieur jusqu’à ce qu’elles soient prêtes à être placées dans nos réservoirs extérieurs après la fin de la période de glaces de l’hiver.
L’une des innovations les plus inattendues de notre algue comestible Hana Tsunomata® a pris la forme des tricolores vifs. Dès le début de notre collaboration avec M. Sato, nous savions que les clients souhaitaient une algue d’une teinte rose particulière. Comment accentuer le pigment d’une algue rouge qui semble presque brunâtre à l’état sauvage? C’est une question d’extraction.
« Nous extrayons les pigments de manière sélective. En observant comment les feuilles changent de couleurs à l’automne, nous avons réalisé que nous devions simplement démasquer ces pigments, en extrayant le vert pour faire ressortir le rose, explique le docteur Hafting. Ce faisant, nous nous sommes rendu compte que nous pouvions aussi faire disparaître le rose pour avoir une plante verte. Nous avions maintenant deux couleurs dans notre gamme de produits. Au cours de ce processus d’extraction, l’un des chercheurs a commis une erreur en quittant l’expérience pour le week-end. À son retour le lundi, il a trouvé des échantillons jaune vif. C’était un heureux hasard qui nous a donné notre produit jaune unique. »
Bien que notre Hana Tsunomata® ait ouvert la voie, nous n’avons pas fini d’innover. En ce moment, le docteur Hafting et son équipe sont en train d’explorer une variété d’autres algues marines pour en déterminer les divers potentiels.
« Étant donné que nous sommes sur la terre ferme dans nos laboratoires, nous voyons ces variations morphologiques qui se produisent naturellement dans la nature, mais qui seraient restées cachées sous la surface de l’eau, indique le docteur Hafting. On attrape ces étranges créatures, on les met dans un récipient, on les nettoie et on se retrouve avec quelque chose que personne d’autre ne possède. Parfois, ces variantes peuvent avoir une apparence complètement différente du type sauvage, et ne sont donc disponibles que chez Algues Acadiennes, ce qui nous démarque sur le marché. Souvent, ces variantes peuvent être très différentes et intéressantes d’un point de vue biochimique et peuvent mener au développement de nouveaux produits basés sur la bioactivité. »
Cela montre bien que la science n’est pas toujours une affaire de réponses immédiates ou d’exploration de A à B. C’est plutôt une question de synchronisation, de créativité, de méthodologie et de volonté d’accepter les percées inattendues qui peuvent se produire lorsque les scientifiques sont encouragés à explorer. En procédant ainsi, les incroyables innovations qui peuvent se retrouver dans votre assiette sont illimitées.
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